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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

il que cette entrevue soit sinistre ! Pourquoi m’avoir choisi pour votre prophète, madame ? Encore quelques mois, ô reine, et tous vos amis parleront autour de vous d’exil et de fuite ; encore quelques mois, et votre tige royale sera brisée comme cette frêle fleur que vous balancez entre vos doigts ! Votre palais, le savez-vous, madame ? est plein d’ennemis ; les pamphlets qui vous déchirent se font chez vous ; lisez cette lettre, elle vous fera pâlir : cette lettre est de M. de Lauzun ! Par quelle fatalité, pendant que les défenseurs naturels de votre couronne vous trahissent, un homme obscur comme moi, rêveur ignoré, misérable, vient-il vous prier de réfléchir ? Est-il donc écrit que tous vos serviteurs devront se disperser un jour et fuir loin de vous au moindre péril ; que la reine boira sans eux cette coupe empoisonnée ? Derrière ce prince qui ose se dire encore votre parent malgré ses crimes, et qui vous reniera sans doute un jour, se cache une redoutable puissance : quand vous n’aurez plus de cour, il en aura une ; c’est le peuple ! Effroyable cour, madame, et dont le lâche se défie lui-même ! N’importe, il la craint, il la nourrit, il la pousse comme autant de flots irrités contre le trône. Vous tenez la lettre de M. de Lauzun ; voici d’autres papiers… car moi aussi je pourrais écrire un jour l’histoire de ces défections honteuses, de ces traîtrises qui avilissent les plus braves. Encore une fois, madame, vous êtes menacée, ces lettres sont le trop fidèle récit de mes craintes. Je vous les adressais comme à une fée invisible ; elles n’ont point d’autre but que celui de vous arracher au danger. Reine de France, ce n’est