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LE CHIFFRE DE LA REINE.

sources ; la noblesse de son caractère l’encourageait seule dans cette lutte contre sa propre fortune. Les menées du duc l’avaient indigné, lui qui ne comprenait rien à ce tragique pantin soumis aux fils du cabinet de Saint-James, à ce prince du sang conspirant contre les princes. Devant cette incurable dégradation, il avait jugé convenable de fuir, malgré toutes les belles paroles de son Mécène tendant à lui persuader que la révolution française assurerait bientôt, dans la moindre presqu’île, aux hommes de couleur tous les droits du citoyen. Confiné chez lui et souffrant déjà des atteintes d’une maladie cruelle qui le minait insensiblement, il préférait la compagnie de quelques artistes à cette pesante intimité.

On ne le voyait plus guère dans les cercles, il se promenait au bras d’un domestique dans les plus sombres allées des Tuileries… Ce n’est pourtant pas que le chevalier ne fût plus beau, seulement il était triste. Ses regards désenchantés ne se reposaient plus avec amour sur aucune image. Les femmes faciles l’ennuyaient, les hommes lui étaient devenus insupportables. Il n’avait qu’un culte, nous l’avons dit, une passion aussi profonde qu’insensée, passion dont il s’avouait à lui-même la folie ; cette passion, c’était la reine !

Il savait à n’en pouvoir plus douter que le duc d’Orléans avait formé autrefois le projet coupable d’élever jusqu’à la femme qu’il aurait dû le plus respecter des vœux rejetés avec dédain ; il le savait, et cela suffisait pour lui expliquer le ressentiment de cet homme contre la reine. Aux prises avec le besoin, Saint-