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LE CHIFFRE DE LA REINE.

plus là le Versailles si sagement ordonné de Louis XIV, le Versailles dont les allées ne s’étoilaient jamais aux flambeaux que de ducs et de princesses ; la confusion des classes qui a envahi la société l’a dénaturée, perdue ! Sous le manteau de la philanthropie, il s’est glissé à la cour d’obscurs charlatans qui n’ont pas tardé à surprendre la religion même du roi de France ; on y a rencontré des histrions, des faiseurs de paradoxes. Un procès inouï et dont l’issue, après le plus sévère et le plus long examen, n’a pas même offert l’apparence d’un tort, n’en a pas moins déchaîné contre la reine le mensonge et la diffamation. Versailles n’est plus même le séjour de la reine de France, elle l’a délaissé pour son petit temple de Trianon, cet asile ouvert à Sacchini, à Cimarosa et à Gluck.

Cependant Versailles semble enchanter ce jour-là Marie-Antoinette. Chaque acteur de ce spectacle mouvant la salue quand il passe devant le banc de pierre sur lequel elle est assise ; ce banc est devenu vite un trône. Sa charmante présence n’a pas tardé à répandre sur tous les visages des curieux un air de contentement ; c’est à qui enviera un coup d’œil de cette femme dont la taille et le port font souvenir des plus belles statues antiques. Sa figure, légèrement violacée par le froid, a l’air d’un marbre ; son bras, d’un contour admirable, s’appuie sur le bras de Mme de Lamballe. Autour d’elle l’air semble imprégné de fraîcheur et de parfums.

M. de Vaudreuil, dit-elle en se penchant d’un air enjoué vers le comte, quoi ! vous ne patinez pas ! Voyez donc là-bas cet heiduque… tout le monde le