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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

au-devant de cette publique infortune. Cependant sur le passage de la souveraine s’élèvent à peine quelques cris ; c’est que les bienfaits intéressés du duc d’Orléans, ses aumônes fastueuses et ses largesses calculées ont trompé le petit peuple. Il a grand soin de faire insérer dans toutes les feuilles publiques une lettre qu’il a dictée, pour le curé de Saint-Eustache, à son intendant des finances, Geoffroi de Limon. Cette lettre promettait des secours si considérables en argent pour les besoins de tous les malheureux qu’un souverain eût été à peine capable d’une telle munificence. Mais, suivant son usage, le duc a promis et n’a pas donné.

Les libéralités de la reine, plus secrètes et non moins grandes, n’ont pas empêché la camarilla du duc d’en rapporter tous les honneurs à leur maître. On commence à croire qu’il est naturellement généreux, lui le chef du monopole ! La popularité récompense souvent les traîtres.

Encore quelques mois, et il ne s’agira plus de prévenir la révolution, mais de la diriger. Hélas ! dans cette cour travaillée de tant de symptômes mortels, il est écrit qu’on ne réfléchira pas. Aussi voyez avec quels battemens de mains, avec quelle insouciante frivolité tout ce monde s’agite et se promène ! L’épigramme accueille les patineurs du grand canal ; ceux qui tombent, on les compare à Brienne ; ceux qui se relèvent, à Necker. Ce royal jardin, qui ressemble à un linceul blanc, ces arbres dépouillés de feuilles, ces allées couvertes de neige, tout cela pourtant ferait presque songer au deuil de la monarchie. Ce n’est