Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

intéressé de cette femme aurait-il la force de l’arrêter en ce moment ? Ne venait-il pas se placer devant une image chérie, celle d’Agathe, la seule qui eût pu enchaîner peut-être sa vengeance ? Le ton avec lequel la marquise lui avait rappelé ses bienfaits entretenait dans son âme un dégoût hautain auquel il lui fallait se soustraire. Il voulait regagner son hôtel ; la femme dans le sein de laquelle il voulait épancher son désespoir et sa honte, c’était sa mère ! Il la réveillerait, il lui dirait sa douleur. Après tout, on ne l’avait insulté que parce qu’il était son fils ! Ce n’était que devant elle et Dieu qu’il devait agiter la question de sa vengeance !

De son côté, Mme de Montesson tremblait, évidemment moins pour l’issue de ce duel (si toutefois ce combat devait avoir lieu) que pour le renversement de ses espérances. Elle n’entrevoyait qu’avec une secrète angoisse le triomphe assuré du chevalier. La main de la marquise se mouillait d’une sueur froide en pressant la main de cet homme, qui peut-être reviendrait l’époux d’Agathe. Il faut être femme, et femme déjà vieille, pour comprendre tout ce qu’il y a d’alarmes et de désespoir dans l’examen du lien fragile qui vous attache un amant plein de force et de beauté. Le caractère entreprenant du chevalier autorisait les frayeurs de Mme de Montesson ; qu’allait-il faire cette nuit ? tenter peut-être l’enlèvement de la jeune fille ! La marquise maudit alors les entraves qui la retenaient : elle eût voulu le suivre, ne plus le quitter, assister sous le voile à chacune de ses démarches. Mais il était trop tard, Saint-Georges avait fui ; elle