Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

croasser après le vautour. Il était facile d’expliquer le succès de ces épouvantables orateurs : ils s’adressaient chaque jour à la dépravation humaine au nom de la liberté ! Hormis eux, rien ne leur paraissait devoir occuper l’attention ; sous les sons discordans de leur orchestre il devenait impossible de rien distinguer.

Encore une fois, se disait Saint-Georges, n’a-t-on pas changé ce peuple ? Voilà des gens qui ont violemment déchiré l’affiche de leur spectacle d’hier ; qu’y ont-ils gagné ? Des jongleurs moroses, des auteurs misérables, ennuyés d’eux-mêmes et qui ne peuvent récréer la galerie… L’Anglais est triste, mais il ne vient pas ainsi se mettre sous la roue du char qui doit le broyer ; il ne se livre pas pieds et poings liés au servile troupeau du peuple ! Laquelle est la plus forte, en vérité, de ces deux nations, ou de celle-ci, qui vient d’ouvrir les portes du Panthéon au plus grand corrupteur qui ait flatté les vices de son siècle, ou de l’autre, qui bannit de Westminster tout homme qui a pu la déshonorer ?

Ainsi l’analyse de ce Paris métamorphosé devenait pour Saint-Georges un roman cruel et sombre. Lui-même ne tarda pas à se trouver déplacé dans ce monde si nouveau pour ses regards, mille choses l’avertirent qu’il avait vieilli et qu’il ne tarderait pas à se voir dans peu remplacé. Quand il se remontra pour la première fois dans les cercles, ce fut un étonnement concerté sur ce que les envieux nommaient sa frivolité. On ne manqua pas de trouver qu’il voulait demeurer jeune trop longtemps, qu’il avait grossi, et