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L’IDOLE ABATTUE.

des vices brillans et ne s’inquiétant guère du lendemain, le chevalier s’étonna de les retrouver presque enfouis sous une masse de feuilles périodiques, dépôt obscur et volumineux de discours contradictoires où le nom de Pitt heurtait celui de Voltaire, où l’abbé Siéyès osait coudoyer Mirabeau. Les vents, déchaînés sous le sceptre mythologique d’Éole, ne lui semblèrent alors qu’une image imparfaite en regard de ces agioteurs de maximes et de systèmes, charlatans nouveaux qui invoquaient tantôt l’exemple de l’Angleterre, tantôt les rêves creux des économistes et de l’Encyclopédie. En examinant de nouveau ces pâles figures, Saint-Georges crut rêver ; il pensa que c’étaient des personnes mortes. Les constructeurs de la Babel révolutionnaire lui parurent funestes, parce que tout d’abord ils avaient proscrit le plaisir, les réunions folles, les habits de fête, le tout pour se cadenasser chez eux et faire ce qu’ils appelaient le grand compte de la nation ! La joie publique, ce beau fruit que les souverains n’écartent jamais de la bouche du peuple, s’était pourri de bonne heure entre les mains de ces réformateurs impurs, déjà plus forts que cette cour sans force, sans amis et sans puissance. Le chevalier put se croire encore à Londres en voyant ces mille clubs dont le dégoût suivait de si près la connaissance, repaires assurés de tous les intrigans et aventuriers de la province, dans le sein desquels se fabriquaient les poisons dont les habiles enivrèrent les dupes de toutes les classes. Annoncés d’abord comme une importation d’Angleterre, ces clubs n’avaient pas tardé à devenir le foyer de la désorganisation. Quand