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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de Londres comme à un allié naturel ; il semblait qu’il voulût, comme dit énergiquement Mercier, tâter le pouls à l’esprit anglais. Hélas ! cet esprit d’une nation rivale n’était que trop disposé à soutenir ses criminelles tentatives, et l’auteur de la feuille intitulée Daily Advertiser feignait seulement d’ignorer le but de son voyage. Après avoir perdu chaque jour de l’estime des Parisiens, d’abord engoués de lui, ce misérable prince ne semblait plus vouloir conquérir que le mépris. Son jardin, son palais même étaient devenus le rendez-vous des sectaires. Necker, sur qui les opinions des gens de bien avaient reposé longtemps, devait donner à sa faction la force d’une véritable puissance. On sait aujourd’hui les motifs de cette haine enracinée dans le cœur de ce lourd Vitellius, qui voulut devenir à tout prix un Catilina… Frustré de l’espoir de succéder au duc de Penthièvre dans la charge de grand amiral de France, il avait voué au monarque et surtout à la reine Marie-Antoinette toute sa haine. Ce qui frappe, ce qui étonne dans les menées d’un pareil conspirateur, c’est le peu de souci que la cour semblait en prendre ; elle affectait de ne voir dans le premier conjuré du royaume qu’un homme borné, trop abruti par le vin et la débauche pour pouvoir lui nuire. Un reproche grave que nous semblent mériter, entre autres ministres[1], MM. de Brienne et de Monmorin, un reproche que l’esprit de vertige peut seul excuser, c’est de n’avoir pas fait surveiller avec assez d’attention les courses fréquentes du

  1. Mémoires de M. le prince de Montbarey, p. 170, t. 3