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WAPPING.

route les fleurs du pommier ; les marguerites blanches étoilaient partout le gazon, les pensées fleurissaient jusque dans les jointures des murs. Du fond de la berline, le chevalier pouvait apercevoir çà et là sur les feuillages des arbres les touches empourprées d’un superbe soleil couchant, les lilas semblaient alors secouer des grappes de corail… Il y avait de la vie, de la sève et du bonheur dans cette chaude nature, au milieu de laquelle on aurait eu honte de se trouver triste… Il eût été doux d’en admirer le charme avec un ami.

Ce fut alors que Saint-Georges reporta ses yeux distraits sur son compagnon de route ; mais ce compagnon ou plutôt ce guide du chevalier, tout en ayant l’air de ne songer qu’au plaisir, roulait alors dans son esprit de sombres pensées… Malgré ses postillons chargés de rubans à sa livrée et les cris d’allégresse qu’il avait sans doute payés aux gens des premiers villages échelonnés sur sa route, cet homme était triste, car cet homme était un traître, c’était le duc d’Orléans.

Ce voyage, recouvert comme tant d’autres du spécieux prétexte de l’anglomanie, n’avait pas cependant pour but les modes anglaises. Le temps des petits soupers de Mousseaux et des nuits de l’hôtel Bullion était passé ; le duc d’Orléans avait remplacé le duc de Chartres. Ce n’était pas un simple marché de chevaux qu’il allait conclure à Londres, c’était le marché de la couronne de France, qu’il avait toujours rêvée. À diverses époques, ce banquier de jeux de hasard, ce vil flatteur de la populace, avait songé au peuple