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LES BATONNISTES.

de ces femmes que l’on abuse ? Si j’ai invité cette enfant à mes spectacles, pensez-vous que ce fût pour supporter votre inconvenance audacieuse, votre silence concerté, vos regards enflammés allant au-devant de cette singulière héroïne ? Grâce à elle, vous ne m’avez pas seulement vue, vous m’avez à peine applaudie, moi, la reine de cette fête ! De cette heure aussi j’ai acquis la preuve de votre inconstance. Vous êtes lassé de moi, sans doute ; il vous faut un jouet, une figure de roman. L’intéressante beauté, que cette petite fille qui va devenir dans trois jours l’épouse de M. de Langey !

— Vous oubliez, madame, qu’elle peut devenir sa veuve !

— Il est impossible de m’avouer plus naïvement que vous détestez le mari. Réfléchissez cependant. Qu’allez-vous faire ? Vous emporter contre le fils de M. de Boullogne, le fils d’un homme grave, puissant !… car vous n’ignorez pas que c’est son fils ?

— Je le sais, on me l’a dit ; mais que m’importe à moi M. de Boullogne ? que me fait le crédit d’un contrôleur général ? Peut-il empêcher que je n’aie été insulté par son fils et qu’il me faille une réparation !


— Ce jeune homme, Saint-Georges, vous fera sans doute des excuses ; la vivacité d’un premier mouvement… Je vous ai bien vu, il y a trois ans, reprit-elle avec une malicieuse tranquillité, chercher querelle à un officier du Royal-Allemand qui me regardait à l’Opéra ! Pourquoi voulez-vous que la susceptibilité de M. de Langey ne se soit point émue