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LE COUVENT.

guissante pour qui a vécu dans les enivremens de la cour. Mais tu ne sais pas cela, toi qui renonces jeune à ce monde ingrat ; tu ne peux comprendre ce qu’il y a de terrible dans une semblable séparation !

En parlant ainsi, le visage de Mme de Montesson témoignait assez de ses orgueilleux regrets. Il eût été facile à toute autre qu’à sa nièce de lire sur son front la contrariété mortelle qu’elle éprouvait de sa seule renonciation aux honneurs et à ces formules de déférence employées vis-à-vis des seules princesses du sang. Le vieux duc d’Orléans venait de mourir, et le roi avait fait formelle défense à la marquise de draper et de mettre ses gens en deuil. C’était pourtant là l’unique motif qui la déterminait à passer l’année de son veuvage au couvent de l’Assomption.

La cloche venait de sonner… La marquise, qui voulait sans doute distraire Agathe, la conduisit à un parloir dont elle avait fait dorer les grilles. Elle lui montra l’ameublement, les écussons peints, les portières de velours. La seule grille était un grand ridicule, car une grille noire, observe judicieusement Mme de Genlis[1], convenait mieux à sa situation de veuve qu’une grille dorée. Tous ses gens avaient l’ordre de lui donner de l’altesse ; les sœurs ne la nommaient que Mme veuve d’Orléans. Retirée dans ce lieu, elle y recevait tous les respects dus à une princesse. Mme de Montesson croyait ainsi se venger des résistances de la cour, qui multipliait les contestations au sujet de son douaire et de son titre d’épouse. Elle ne recevait

  1. Mémoires, tome 3.