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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

conservait encore des traces irrécusables de noblesse et de beauté.

La plus jeune gardait un silence pensif, comme si elle eût craint que les regards pénétrans de sa compagne ne surprissent les plus secrètes pensées de son âme. On lisait la douleur jusque dans sa seule attitude et dans la façon distraite dont elle tournait les pages de son cahier…

— Vous souffrez, Agathe, lui dit son amie, et peut-être ma conversation d’hier…

— Je vous avouerai, ma tante, que les souvenirs qu’elle m’a rappelés m’empêchent de goûter le charme de cette retraite… Malgré moi, l’image du chevalier m’y poursuit ; ce que vous m’en avez dit redouble encore ma tristesse… Oui, vous avez raison, il doit ignorer ce sacrifice ; cet amour était un crime, je le sens ; je ne dois plus songer qu’à l’oublier, et vos bons conseils m’affermiront sans doute dans cette résolution

— J’aime à vous voir raisonner ainsi, petite… Cet asile est du moins un port assuré contre les écueils. Ma situation présente vous apprend elle-même la fragilité des choses humaines… Que je me félicite de me voir près de vous, ma nièce ! ouvrez-moi votre cœur, vous ne vous repentirez pas d’y avoir versé vos chagrins. J’ai vécu plus que vous, Agathe, et je sais à quels retours cruels nous expose l’irréflexion.

— Le portrait que vous m’avez fait du chevalier, ma chère tante, ne m’a que trop fait comprendre les périls dans lesquels m’eût engagée cet amour. Un homme vain, léger, qui se fait un jeu de séduire, et