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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

grille conservait encore deux chiffres d’honneur entrelacés, comme il s’en rencontre à beaucoup de ces clôtures à jour façonnées au siècle de Louis XIV. Celle-ci était en outre flanquée de deux pavillons, fermés comme deux donjons féodaux et qui ne laissaient apercevoir que des fenêtres étroitement oblongues en guise de meurtrières. Vous eussiez cru voir l’entrée d’un vrai château-fort.

Les murs de la maison étonnaient surtout par une sorte de pâleur mate qui, lorsque la lune tombait d’aplomb sur eux, leur donnait l’air d’une tombe…

Les pavillons, la façade, tout, jusqu’au pavé crayeux de cette cour, conservait cette teinte étrange ; ce qui faisait que dans le quartier on nommait cette maison la maison pâle.

Le propriétaire actuel de ce lieu avait jugé convenable d’établir au pied même de son perron un chenil de pierres massives, d’où quatre grands chiens loups, tels que les peint si admirablement Fielding, pouvaient s’élancer au premier bruit qui aurait interrompu le silence de la maison.

Car pour l’ordinaire elle était plongée dans un effrayant silence, cette maison, vis-à-vis de laquelle le cœur se serrait comme par instinct… Il semblait en vérité que ses murs recélassent quelque mystère impénétrable, quelque drame intime, soigneux d’amasser l’ombre autour de lui. Il n’y avait aucun portier près la grille, pas même seulement une misérable cloche que la main du passant pût agiter en cas de besoin. L’œil du maître y devait être aussi attentif, aussi éveillé que celui des quatre dogues, car, en cas