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répondit Rodin, je vais essayer de faire honneur à ma réputation en accomplissant une tâche beaucoup plus malaisée pour moi que d’animer le bronze : celle d’exprimer comment j’y parviens.

Notez d’abord que le mouvement est la transition d’une attitude à une autre.

Cette simple remarque qui a l’air d’un truisme est, à vrai dire, la clé du mystère.

Vous avez lu certainement dans Ovide comment Daphné est transformée en laurier et Progné en hirondelle. Le charmant écrivain montre le corps de l’une se couvrant d’écorce et de feuilles, les membres de l’autre se revêtant de plumes, de sorte qu’en chacune d’elles on voit encore la femme qu’elle va cesser d’être et l’arbuste ou l’oiseau qu’elle va devenir. Vous vous rappelez aussi comment dans l’Enfer du Dante, un serpent se plaquant contre le corps d’un damné se convertit lui-même en homme tandis que l’homme se change en reptile. Le grand poète décrit si ingénieusement cette scène qu’en chacun de ces deux êtres, l’on suit la lutte des deux natures qui s’envahissent progressivement et se suppléent l’une l’autre.

C’est en somme une métamorphose de ce genre qu’exécute le peintre ou le sculpteur en faisant