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de décoration où je fis mes débuts de sculpteur.

Un jour me regardant façonner dans la glaise un chapiteau orné de feuillage :

— Rodin, me dit-il, tu t’y prends mal. Toutes tes feuilles se présentent à plat. Voilà pourquoi elles ne paraissent pas réelles. Fais-en donc qui dardent leur pointe vers toi, de sorte qu’en les voyant on ait la sensation de la profondeur.

Je suivis son conseil et je fus émerveillé du résultat que j’obtins.

— Souviens-toi bien de ce que je vais te dire, reprit Constant. Quand tu sculpteras désormais, ne vois jamais les formes en étendue, mais toujours en profondeur… Ne considère jamais une surface que comme l’extrémité d’un volume, comme la pointe plus ou moins large qu’il dirige vers toi. C’est ainsi que tu acquerras la science du modelé.

Ce principe fut pour moi d’une étonnante fécondité.

Je l’appliquai à l’exécution des figures. Au lieu d’imaginer les différentes parties du corps comme des surfaces plus ou moins planes, je me les représentai comme les saillies des volumes intérieurs. Je m’efforçai de faire sentir dans chaque renflement du torse ou des membres l’affleurement d’un