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Le sculpteur n’est point resté au-dessous du poète. Au contraire, son œuvre dans l’effroi qu’elle inspire est peut-être plus expressive encore que les vers si truculents de maître Villon. La peau tombe en nappes flasques sur le squelette apparent : les cerceaux de la carcasse s’accusent sous le parchemin qui la recouvre : et tout cela branle, flageole, se racornit, se recroqueville.

Et de ce spectacle à la fois grotesque et navrant, se dégage une grande tristesse.

Car ce qu’on a devant soi, c’est la détresse infinie d’une pauvre âme falote qui, éprise de jeunesse et de beauté éternelles, assiste impuissante à l’ignominieuse disgrâce de son enveloppe ; c’est l’antithèse de l’être spirituel qui réclame la joie sans fin, et du corps qui s’en va, se dissout, s’anéantit. La réalité dépérit et la chair agonise ; mais le rêve et le désir sont immortels.

Voilà ce que Rodin a voulu nous faire entendre.

Et je ne sache pas qu’aucun artiste ait jamais évoqué la vieillesse avec une crudité si féroce.

Si pourtant ! Au Baptistère de Florence, on voit sur un autel une étrange statue de Donatello, une vieille femme toute nue ou du moins uniquement drapée de ses longs cheveux clairsemés qui se plaquent