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— Je veux dire que, fort heureusement, les œuvres d’art ne comptent point parmi les choses utiles, c’est-à-dire parmi celles qui servent à nous alimenter, à nous vêtir, à nous abriter, à satisfaire en un mot nos besoins corporels. Car, tout au contraire, elles nous arrachent à l’esclavage de la vie pratique et nous ouvrent le monde enchanté de la contemplation et du rêve.


— Mon cher ami, l’on se trompe bien d’ordinaire sur ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.

Qu’on nomme utile ce qui répond aux nécessités de notre vie matérielle, j’y consens.

Aujourd’hui, d’ailleurs, l’on considère également comme utiles les richesses qu’on étale uniquement pour en tirer vanité et pour exciter l’envie : et ces richesses sont non seulement inutiles, mais encombrantes.

Pour moi, j’appelle utile tout ce qui nous donne le bonheur. Or, il n’y a rien au monde qui nous rende plus heureux que la contemplation et le rêve. C’est ce qu’on oublie trop de nos jours. L’homme qui, à l’abri du dénuement, jouit en sage des innombrables merveilles que rencontrent à chaque instant ses yeux et son esprit,