Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grand mystère : la Raison immatérielle, éternelle, à qui toute la Nature obéit et dont elles sont elles-mêmes les célestes servantes.

Ainsi tous les maîtres s’avancent jusqu’à l’enclos réservé de l’Inconnaissable. Certains d’entre eux s’y meurtrissent lamentablement le front ; d’autres dont l’imagination est plus riante croient entendre par-dessus le mur les chants de mélodieux oiseaux qui peuplent le verger secret.


J’écoutais attentivement mon hôte, qui me livrait là ses pensées les plus précieuses sur son art. On eut dit que la fatigue, qui condamnait son corps au repos devant cet âtre aux flammes dansantes, laissait au contraire son esprit plus libre et l’invitait à se lancer éperdument dans le rêve.

Je ramenai l’entretien sur ses propres œuvres.

— Maître, lui dis-je, vous parlez des autres artistes, mais vous vous taisez sur vous-même. Vous êtes cependant un de ceux qui ont mis le plus de mystère dans leur art. Dans vos moindres sculptures, on reconnaît comme le tourment de l’invisible et de l’inexplicable.


— Hé ! mon cher Gsell, fit-il en me jetant un