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sous nos sens, de tout l’immense domaine des choses que ni les yeux de notre corps ni même ceux de notre esprit ne sont capables de voir ; c’est encore l’élan de notre conscience vers l’infini, l’éternité, vers la science et l’amour sans limites, promesses peut-être illusoires, mais qui, dès cette vie, font palpiter notre pensée comme si elle se sentait des ailes.

En ce sens-là, je suis religieux.


Rodin suivait maintenant les lueurs ondoyantes et rapides du bois qui brûlait dans la cheminée.

Il reprit :


— Si la religion n’existait pas, j’aurais eu besoin de l’inventer.

Les vrais artistes sont, en somme, les plus religieux des mortels.

On croit que nous ne vivons que par nos sens et que le monde des apparences nous suffit. On nous prend pour des enfants qui s’enivrent de couleurs chatoyantes et qui s’amusent avec les formes comme avec des poupées… L’on nous comprend mal. Les lignes et les nuances ne sont pour nous que les signes de réalités cachées. Au delà des