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sa famille. Il garda de cette journée une reconnaissance attendrie à celui qui l’avait organisée. Et voilà comment Bazire m’introduisit sans peine auprès de lui.

Par malheur, Victor Hugo venait justement d’être martyrisé par un sculpteur médiocre nommé Villain. Celui-ci, pour faire un mauvais buste, lui avait infligé trente-huit séances de pose. Aussi quand j’exprimai timidement mon désir de reproduire à mon tour les traits de l’auteur des Contemplations, il fronça terriblement ses sourcils olympiens.

— Je ne puis vous empêcher de travailler, fit-il ; mais je vous avertis que je ne poserai pas. Je ne changerai pour vous aucune de mes habitudes : arrangez-vous comme il vous plaira.

Je vins donc et je crayonnai au vol un grand nombre de croquis afin de faciliter ensuite mon travail de modelage. Puis j’apportai ma selle de sculpteur et de la terre. Mais, naturellement, je ne pus installer cet outillage salissant que dans une vérandah, et comme c’était dans le salon que Victor Hugo se tenait d’ordinaire avec ses amis, vous imaginez quelle fut la difficulté de ma tâche. Je regardais attentivement le grand poète, j’essayais de graver son image dans ma mémoire, puis soudain, en cou-