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cepte une œuvre réussie, sa méchante humeur n’est que passagère ; car les connaisseurs lui font bientôt tant de compliments au sujet de son buste qu’il finit par l’admirer. Et il déclare alors le plus naturellement du monde qu’il l’a toujours trouvé excellent.

Il est à remarquer, d’ailleurs, que les bustes exécutés gratuitement pour des amis ou des parents sont les meilleurs. Ce n’est pas seulement parce que l’artiste connaît mieux les modèles qu’il voit continuellement et qu’il chérit ; c’est surtout parce que la gratuité de son travail lui confère la liberté de le mener entièrement à sa guise.

Au reste, même offerts comme dons, les plus beaux bustes sont souvent refusés. Dans ce genre, les chefs-d’œuvre sont généralement considérés comme des insultes par ceux à qui on les destine. Il faut que le statuaire en prenne son parti et qu’il trouve tout son plaisir, toute sa récompense à bien faire.


Cette psychologie du public auquel les artistes ont affaire, me divertissait fort ; mais il entrait, à vrai dire, bien de l’amertume dans l’ironie de Rodin.