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Or, il n’y a rien dans la Nature qui ait plus de caractère que le corps humain. Il évoque par sa force ou par sa grâce les images les plus variées. Par moment, il ressemble à une fleur : la flexion du torse imite la tige, le sourire des seins, de la tête et l’éclat de la chevelure répondent à l’épanouissement de la corolle. Par moment, il rappelle une souple liane, un arbuste à la cambrure fine et hardie : — En te voyant, dit Ulysse à Nausicaa, je crois revoir certain palmier qui à Délos, près de l’autel d’Apollon, était monté de terre d’un jet puissant vers le ciel.

D’autres fois, le corps humain courbé en arrière est comme un ressort, comme un bel arc sur lequel Éros ajuste ses flèches invisibles.

D’autres fois encore c’est une urne. J’ai souvent fait asseoir par terre un modèle en lui demandant de tourner le dos de mon côté, jambes et bras ramenés en avant. Dans cette position, la silhouette du dos qui s’amincit à la taille et s’élargit aux hanches apparaît seule, et cela figure un vase au galbe exquis, l’amphore qui contient dans ses flancs la vie de l’avenir.

Le corps humain, c’est surtout le miroir de l’âme et de là vient sa plus grande beauté :