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par sa main, c’est l’amour qui semble s’épancher de son cœur sur toute la nature. Ceux qui, n’ayant point cette tendresse, ont cherché à emprunter au maître d’Urbino ses cadences linéaires et les gestes de ses personnages n’ont exécuté que des pastiches très fades.

Ce qu’on doit admirer dans le dessin de Michel-Ange, ce ne sont pas les traits en eux-mêmes, ce ne sont pas des raccourcis audacieux et des anatomies savantes, c’est la puissance grondante et désespérée de ce Titan. Les imitateurs de Buonarotti qui, sans avoir son âme, ont copié en peinture ses attitudes arc-boutées et ses musculatures tendues, sont tombés dans le ridicule.

Ce qu’on doit admirer dans la coloration du Titien, ce n’est pas une harmonie plus ou moins agréable : c’est le sens qu’elle présente : elle n’a de véritable agrément que parce qu’elle donne l’idée d’une souveraineté somptueuse et dominatrice. La vraie beauté de la coloration du Véronèse vient de ce qu’elle évoque par la finesse de son chatoiement argenté l’élégante cordialité des fêtes patriciennes. Les couleurs de Rubens ne sont rien en elles-mêmes : leur flamboiement serait vain s’il ne donnait l’impression de la vie, du bonheur et de la robuste sensualité.