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I

ESPOIR D’AIMER



AU nostalgique espoir d’aimer et d’être aimé
Mon âme triste s’est rouverte
Parmi l’éveil fleuri de la campagne verte
Et les allégresses de mai.

La grâce du printemps, quelque peu qu’on la sente,
Dit tout bas que l’amour viendra,
Et, sortant de son lit glacé, la Nature a
Des beautés de convalescente.

La neige des pommiers, comme un reste d’hiver
Poudre le renouveau des branches ;
À peine ai-je gardé quelques tristesses blanches
Du mal passé que j’ai souffert.

Et mon cœur a vingt ans. Je n’abandonne aucune
Des primes candeurs que j’avais,
Et je veux demeurer, loin du monde mauvais,
Un contemplateur de la Lune.