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IV

REFUS TENDRE



LE soir, quand nous causons, vous me dites parfois :
« Je ne veux plus aimer. Ces choses sont finies.
Je ne répondrai plus aux lentes litanies
Des aveux qu’un amant vous chuchote à mi-voix.

Je ne veux plus aimer. C’est un songe inutile,
C’est un hochet d’enfant qui pèse dans la main,
C’est le troublant parfum d’un rameau de jasmin
Qui, fané, vous poursuit de son odeur subtile !… »

Mais en vain vous cherchez à vous raidir. Un jour
Les aveux remettront dans vos doigts leur rosaire,
Car, malgré vos refus, vous sentez la misère
D’une jeunesse morte aux chimères d’amour.

Vous refusez d’aimer. Vous êtes apeurée
Par l’envahissement de l’amour, charme amer,
Mais l’amour qui nous vient est semblable à la mer
Dont l’amertume chante en montant la marée.