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Les serrements de main devant le bénitier
De la petite église, et ma douce querelle
Pour lui prendre son châle ou porter son ombrelle ;
Puis ce jour de dimanche, oublié maintenant,
Où tout joyeux, assis à sa gauche, en dînant,
Je lui glissai des mots discrets, presque à voix basse.
Après dîner, on fit quelques tours de la place,
Et moi, déjà charmé, je lui tendis mon bras
Qu’elle, naïve encor, me prit sans embarras.

Nous allions deux à deux le long des terrains vagues
Où des enfants criaient en enfilant des bagues
Sur les chevaux de bois qu’un vieux cheval poussait.
Dans tous les cabarets la foule se pressait,
Et, sous le jaune éclat d’un vieux quinquet qui brille,
L’orgue de Barbarie invitait au quadrille.
C’était le soir : le ciel fleurissait à son tour,
Et la nuit descendait plus belle que le jour !…

Elle, réglant son pas sur ma marche très lente,
Appuyait à mon bras courbé sa main tremblante,
Et me faisait l’aveu qu’en entendant ma voix
Son cœur s’était ému dès la première fois
Comme s’il rencontrait l’élu de sa jeunesse ;