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Nous sommes tous les deux la tristesse d’un port
Toi, ville ! Toi ma sœur douloureuse qui n’as
Que du silence et le regret des anciens mâts ;
Moi, dont la vie aussi n’est qu’un grand canal mort !
Qu’importe ! Dans l’eau vide on voit mieux tout le ciel,
Tout le ciel qui descend dans l’eau clarifiée,
Qui descend dans ma vie aussi pacifiée.
Or, ceci n’est-ce pas l’honneur essentiel
— Au lieu des vaisseaux vains qui s’agitaient en elles,
De refléter les grands nuages voyageant,
De redire en miroir les choses éternelles,
D’angéliser d’azur leur nonchaloir changeant,
Et de répercuter en mirage sonore
La mort du jour pleuré par les cuivres du soir !
Or c’est pour être ainsi souples à son vouloir
Que le ciel lointain, l’une et l’autre, nous colore