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LES FEMMES EN MANTE


À d’autres la mémoire est lourde et les ans pèsent !
Il est toujours lui-même ;
Et, dans son armure de briques,
Il se rêve héroïque.




Le crépuscule devient blême ;
L’ombre peu à peu s’accroît
Et s’attaque au Beffroi ;
Mais lui se défend, songe
À ses fastes célèbres.
Il lutte contre l’assaut des ténèbres
Et l’or vaste de son cadran,
Parmi les pierres trop dociles s’encadrant,
Est un bouclier grâce auquel il se prolonge !




Mais l’ombre triomphe !
La nuit règne ; et le Beffroi sent
Sur ses pierres, qui sont nocturnes
Comme le firmament,
Son cadran luire pâlement
Comme un globe mort, comme une autre lune.