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Les arbres verdoyants avaient jauni. L’automne
Envoyait aux échos son râle monotone ;
Les oiseaux éprouvaient des frissons dans leur vol,
Et les feuilles des bois, tournoyant sur le sol,
À leur ronde de mort dans les champs funéraires
Paraissaient convier les maigres poitrinaires ;
Et l’hiver approchait, triste comme un aïeul,
Enveloppé de neige ainsi que d’un linceul !…
 
Un soir la voix manqua dans les strophes latines
Et puis le jour suivant dans le chœur des matines :
Hildegonde avait fui devant le froid hiver !…
Et Roland vit bientôt au pied du saule vert
Que le vent respectait pour qu’il veillât la tombe,
Quatre sœurs qui creusaient un nid à la colombe !…

Le lendemain dès l’aube, au milieu du brouillard,
Un prêtre en surplis blanc, sombre et tremblant vieillard
Sur lequel le soleil jetait sa lueur fausse,
Chantant un chant funèbre approcha de la fosse,
Et les nonnes suivaient dans leurs habits de deuil
Les mains jointes, versant des pleurs sur un cercueil !…

Alors on entendit dans la montagne nue,
Comme un râle, éclater une voix inconnue,
Et quelques jours après un vieux pâtre, tentant
De retrouver sa chèvre égarée en broûtant,
Gagna la haute cîme, et trouva sous l’arcade
De la tour Rolandseck, que le lierre escalade,
Le corps rigide et froid du paladin Roland !…