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Il comprit son devoir ; mais son cœur se fendit
Comme un marbre frappé de la foudre ; il maudit
Sa naissance, son rang et sa gloire passée
Qui devaient le jeter loin de sa fiancée.

Quand la nuit déploya son crêpe dans le ciel,
Il la prit par la main, et vint près de l’autel
Dans la blanche chapelle où reposait sa mère.
Là, le front incliné sous sa pensée amère
Il lui dit : « Hildegonde, aimes-tu bien Roland ?
L’aimeras-tu toujours ? » — « Oui, dit-elle, en tremblant —
— « Je jure devant toi sur mon glaive et mon âme
Continua Roland, de te prendre pour femme. »
— « Moi, je me donne à vous, dit-elle, ou bien à Dieu ! »

Et l’aurore entendit leurs derniers mots d’adieu…

II.

Roland se comporta vaillamment ; chaque bouche
Célébrait sa valeur, et l’ennemi farouche
Fuyait à son aspect comme un agneau sanglant
Devant un lion fauve à l’œil étincelant.
Il aimait d’autant plus bondir dans la bataille
Géant, qu’il n’avait pas de guerrier à sa taille,
Et qu’il pourrait offrir sa moisson de laurier
À sa chère Hildegonde attentive à prier !…
Mais sur son front vainqueur s’amoncelait l’orage :
Les Maures frémissant de l’éternel outrage