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Je suis comme une fleur dont renaîtraient les charmes
Sous la pluie odorante ou l’éclat du soleil ;
Il faudrait à mon cœur pour sortir du sommeil
Que l’amour lui versât un sourire ou des larmes !…

La Muse.

Suis-moi, suis-moi. Je vais te rendre la gaîté ;
Tes soucis s’enfuiront au souffle de l’orgie,
Tu mettras tes chagrins sous la nappe rougie
Qui sera leur linceul ; et l’âpre volupté
T’enlaçant dans ses bras comme une fiancée
Versera ses baisers sur ton front soucieux.

Le jeune homme.

Mon cœur n’a pas d’écho pour ta voix insensée.
Tu marches dans la boue, ange tombé des cieux !
Il n’est qu’un seul amour capable sur la terre
D’apaiser cette ardeur qui brûle et nous altère,
Il n’est qu’une amitié ni qu’une affection
Dont nous vivions sans honte et sans déception,
C’est celle que l’on trouve au foyer domestique,
Dans le cœur d’une femme ayant sur les genoux
De petits enfants blonds qui forment entre nous
Avec leur bras d’ivoire une chaîne mystique !

La Muse.

Mon fils ! pardonne-moi. Le pardon est si doux.
J’ai voulu t’éprouver comme on éprouve un juste,