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Mais dès qu’il s’éloigna, dans une angoisse amère,
Louise revêtit, pâle, son manteau noir,
Et comme le tombeau toujours donne un espoir,
Gagna le cimetière où reposait sa mère ;
Elle mit sur le tertre arrondi les genoux,
Demandant à la morte ou plutôt à la sainte
Que Dieu de leur bonheur ne devint pas jaloux !
Le vent seul répondit en pleurant à sa plainte :
Triste, elle s’éloigna de là funèbre enceinte,
Et vint s’agenouiiler aux marches de l’autel,
Car la terre étant sourde, elle prîrait le ciel !…
Mais dans sa foi fervente, un pressentiment vague,
Sur son âme courait comme un vent sur la vague !
Lorsqu’elle eût épanché les craintes de son cœur
Et les pleurs de ses yeux, en quittant la chapelle
Où la lampe d’argent brillait au fond du chœur
Comme un phare allumé qui vers Dieu nous rappelle,
Voici qu’elle aperçoit Paul au bout du chemin !…

Palpitante, elle court… la terrible nouvelle
Par son regard farouche et poignant se révèle ;
Et Louise, en pleurant, la tête dans la main
Tombe, ayant au visage une pâleur mortelle…
Puis, surmontant bientôt sa douleur d’un instant,
« Courage, lui dit-elle, oh ! je t’aimerai tant !…
Dieu nous fera pitié… reprends courage… espère
Songe au bonheur passé, songe au petit enfant…
Oh ! je lui parlerai si souvent de son père !…