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L’orgue emplissait la nef des rumeurs de son chant,
Lorsqu’un vieux prêtre, au son des cloches argentines,
Vint bénir en priant leurs têtes enfantines,
Et c’était un tableau poétique et touchant
De voir ces fiancés, dans leur candeur première,
Âgés l’un comme l’autre à peine de vingt-ans
Qui joignaient devant Dieu leurs cœurs et leurs printemps !…

Ils vinrent occuper une blanche chaumière,
Proprette, avec les murs d’un lierre épais couverts,
Porte basse, des fleurs aux fenêtres, du chaume
Sur le toit qui se dore au jour, des volets verts ;
Puis autour du riant et frais petit royaume
Qu’une haie odorante isolait du chemin,
Le verger étalait tant de fruits à ses branches
Qu’on pouvait les saisir en étendant la main.
La maison se groupait près des murailles blanches
De l’église, pareille à quelque nid d’oiseau
Qui mêle au tronc vieilli sa mousse et sa jeunesse.
Leur foyer était plein d’une intime tendresse !
Le jour, elle filait le lin de son fuseau,
Lui, labourait le sol et menait la charrue ;
Puis quand l’ombre du soir au ciel s’était accrue,
Joyeux, ils se trouvaient réunis au foyer ;
Et souriant à voir la bûche flamboyer,
Ils mangeaient le pain dur et les fruits de la terre
Qu’ils avaient mérités par leur travail austère,
Et plus fiers que des rois, se faisaient un régal
Grâce à leur appétit, grâce à l’amour peut-être,
De ce repas pourtant si mince et si frugal !