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En voyant cet amour charmant, s’était juré,
Quand ils deviendraient grands, de conduire au curé
L’une, son blond garçon, l’autre sa blonde fille !

Mais la mort effeuilla ce rêve dans sa fleur ;
En moins de quelques jours, la sombre épidémie
Coucha dans le tombeau chaque mère endormie,
Laissant les orphelins seuls avec leur douleur !…

Ils grandirent !… Tel qu’un ruisseau qui coule à peine
Dans l’ombre du vallon sur un lit de cailloux
Devient large rivière en tombant dans la plaine,
Leur amitié fit place à l’amour tendre et doux.
Un soir d’été, Paul mit son habit des dimanches,
Prit le vieil anneau d’or que sa mère portait,
Et cueillit un bouquet d’humbles fleurettes blanches
En gagnant la maison que Louise habitait.
— « Ma chère, nous avons pleuré longtemps ensemble,
Lui dit-il, voudrais-tu que nous fussions heureux ?
Dans ma ferme et mon champ que l’amour nous rassemble
Viens vivre près de moi, car je suis amoureux ! »
— « Oui, Paul, je le veux bien, » dit-elle rougissante…
Il s’en alla joyeux en lui baisant la main
Et quelques jours après, à l’aube blanchissante,
Entra dans le saint temple un cortège d’hymen.

On avait mis leurs beaux manteaux aux saintes Vierges,
Aux chandeliers de cuivre enfoncé de longs cierges,