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Dans la limpidité sereine de la voûte.
On a jeté des fleurs au bord de chaque route,
Les portes ont leur seuil jonché de rameaux verts ;
Les volets au soleil sont largement ouverts,
Et des maisons, ainsi que des nids pleins de mousse,
Sort une bienveillance universelle et douce.
Dans les fermes, ayant la gaîté des châteaux.
Groupés en cercle, on boit, on mange des gâteaux,
On devise, on badine, on s’embrasse, on folâtre,
Tandis que sur la bûche éclatante de l’âtre
La bouilloire gaîment fume et fait chanter l’eau.

Oh ! la tendre harmonie et le joyeux tableau !

Le soir les paysans s’en vont rire à l’auberge,
Voir jouer les forains que la grand’place, héberge,
Mettre aux chevaux de bois leurs petits enfants blonds,
Danser sur la pelouse au son des violons !

Les amoureux tout seuls quittent la multitude,
Car l’amour vit de l’ombre et de la solitude.
Cherchant, près des buissons, les plus étroits chemins,
Ainsi que des enfants, ils se tiennent les mains,
Timides, et comme eux leur voix tremble et bégaie ;
Car elle est difficile, à l’ombre d’une haie,
Cette langue, ayant pour alphabet des aveux !…
Aux lèvres des baisers, des bleuets aux cheveux
Ils rêvent… et la nuit, levant ses sombres voiles,
Pour partager leur joie, ouvre ses yeux d’étoiles.