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« Pourquoi dans la douleur faut-il que l’homme naisse,
Qu’il voie au choc des ans s’envoler sa jeunesse,
Ses illusions se flétrir,
Qu’il travaille en suant pour aider sa misère,
Et qu’à chaque nouvelle aurore, se resserre
Le nœud qui le fera mourir !…

« Pourquoi ne pas donner du pain aux jeunes femmes
Et les laisser tenter dans leurs taudis infâmes
Par l’or qu’on offre à leurs haillons ?
Pourquoi faire envier ainsi tout ce qui brille,
Pourquoi le ver de terre et pourquoi la chenille
Veulent-ils être papillons !

« Pourquoi dans le printemps la pluie et la rafale,
Dans les flancs de la mer le sanglot et le râle,
Dans les feuilles le tremblement ?
Dieu, pourquoi si tu vis dans ton ciel solitaire
Ne laisser répéter aux échos de la terre
Qu’un immense gémissement ? »
 
II.

Blasphémateurs ! Dieu règne et le ciel n’est pas vide !
Vainement vous voudrez, de votre main avide,
Effacer son grand nom vainqueur,
Qu’a gravé le tonnerre au front des roches grises,
Que la nuit chante au jour, que l’aigle chante aux brises,
Et que l’âme redit au cœur !