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L’Aïeul.

.  .  .  Le seul ami qu’il eût sur cette terre
Lamartine (Jocelyn).


Le vieillard était bien malheureux. Il souffrait
Un tourment de martyr que la foule ignorait ;
Et la douleur avait, à ses tempes arides,
Plus que l’âge, incrusté sa pâleur et ses rides.
C’était un sort poignant d’être esclave et soumis
Dans sa propre maison ; d’avoir pour ennemis
Ceux qu’on a mis au monde et soignés dans l’enfance.
Hélas ! pauvre et courbé, malade et sans défense,
Il était dans leur chaîne un inutile anneau,
Et ses enfants pervers, qu’il mit dans le berceau,
Le poussaient dans la tombe ! Il sentait comme un glaive
S’enfoncer dans son cœur qu’on torture sans trêve :
Tandis que l’on caresse à l’envi le grand chien
Qui dort près du foyer dont il est le gardien,