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encadrées, qui toutes étaient retournées, choisit, hésita, puis en tira une, qu’il vint poser sur le chevalet.

— Voilà ! dit-il. Quelques objets dans une lumière particulière ; c’est l’arrangement d’une fenêtre à un crépuscule d’octobre.

Borluut regarda, conquis peu à peu jusqu’à l’émotion. C’était autre chose que de la peinture, et plus. On oubliait les procédés qui, d’ailleurs, se combinaient tous : du fusain, avec des rehauts de couleur, une chimie savante de pastels, de crayons, de poussières et de hachures mystérieuses. Il faisait soir dans le tableau. C’était comme de l’ombre et du silence mis sous verre.

Bartholomeus reprit :

— J’ai voulu montrer que ces objets sont sensibles, souffrent de la nuit qui vient, se pâment au dernier rayon. Celui-ci, d’ailleurs, vit aussi dans la chambre ; il souffre également ; il lutte contre l’obscurité. Voilà ! C’est la vie des choses, si vous voulez. On dirait, en français, une nature morte. Ce n’est pas cela que j’essaye de faire. Notre flamand dit mieux : la vie silencieuse.

Le peintre présenta une autre œuvre. C’était une figure, pas très grande, une femme hiératique, vêtue d’un costume sans âge qui avait autour d’elle une sveltesse de colonne, des épanouissements de chapiteau.

— Ceci, dit Bartholomeus, est l’Architecture.