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et ces tons des façades influencés par le temps et la pluie, avec des roses de soir fané, des bleus de fumée, des gris de brouillard, toute une moisissure savoureuse, un faisandage des briques, des nuances sanguines ou chlorotiques comme d’un teint.

Borluut restaura, ménagea, mit en relief les beaux fragments, boucha les ruines, cicatrisa les éraflures.

Les rues s’égayèrent de ce renouveau des aïeules, des vieilles béguines. C’est Borluut qui les avait affranchies de la mort proche, conservées pour un temps encore long peut-être… Son renom s’en accrut de jour en jour, surtout depuis que les échevins, après son triomphe au concours de carillonneurs, et en reconnaissance de ce qu’on lui devait déjà, l’eurent nommé architecte de la ville. Il fut employé ainsi à des travaux officiels, car ce mouvement de restauration qu’il provoqua se généralisait, s’étendait aux monuments publics.

Après l’Hôtel de Ville et la Maison du greffe, où des polychromies, des ors neufs, avaient comme habillé d’étoffes chatoyantes et de bijoux la nudité des pierres, on avait décidé la restauration de l’hôtel de la Gruuthuus. Borluut se mit à l’œuvre, releva, sur la façade en briques, la balustrade à jour, les lucarnes à crochets et à fleurons, les pignons du XVe siècle avec les armoiries du seigneur de céans qui y avait hébergé le roi d’Angleterre, chassé par ceux de la Rose rouge. Le vieux palais renaissait, sortait de la mort, avait l’air soudain de vivre et de