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façade de Van Hulle, l’antiquaire, sauvegardant la belle patine du temps sur les murs, laissant intactes les sculptures rongées, comme en allées dans la pierre. Un autre les eût fait tailler à neuf. Borluut n’y toucha point. Elles en avaient pris le charme mystérieux de l’inachevé. Il se garda aussi de rien faire gratter ou polir, maintenant partout la vieille allure, les teintes fanées, la rouille, les serrures, les tuiles originelles.

Cette restauration de la maison de Van Hulle avait décidé d’emblée de sa fortune. Tout le monde alla voir, admira le miracle de ce rajeunissement qui restait de la vieillesse, et chacun voulut sauver sa maison de la mort…

Borluut eut à restaurer bientôt toutes les anciennes façades.

Il y en avait d’incomparables, disséminées au long des rues. Quelques-unes perpétuaient jusqu’à nous la mode antique des pignons de bois, dans la rue Cour-de-Gand, dans la rue Courte-de-l’Équerre, authentiques modèles de celles qu’on voit peintes, sur le quai d’un petit port gelé, dans les portraits de Pierre Pourbus qui sont au Musée. D’autres survivaient, d’un temps plus récent, mais non moins pittoresques, avec un pignon pareil, qui met une cornette par-dessus ces aïeules aux airs de béguines et comme agenouillées au bord des canaux… Ornementations, fouillis, ciselures, cartouches, bas-reliefs, surprises innombrables des sculptures, —