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que foule. Elle n’a plus d’unité. Donc, elle ne peut plus engendrer aucun monument. Peut-être une Bourse, pourtant, parce qu’ici elle se retrouverait unanime dans son bas instinct pour l’or ; mais qu’est-ce qu’une architecture, ou tout autre art, qui bâtirait contre l’Idéal ?

En raisonnant ainsi, Borluut en était arrivé tout de suite à conclure qu’il n’y avait rien à vouloir et à réaliser pour soi-même. Mais quel noble but que de se vouer à la ville et, ne pouvant pas la doter d’un chef-d’œuvre impossible, de restaurer les admirables architectures d’autrefois qui foisonnaient ici ! Travail urgent ; ailleurs on avait trop attendu, laissé dépérir des pierres lasses, de vieilles demeures, de nobles palais, pressés de se changer en ruine, qui est pour eux la forme calme du tombeau.

Travail délicat aussi, car le danger est double : celui de ne pas restaurer, de perdre ainsi de précieux vestiges qui sont les blasons d’une ville, l’anoblissement du présent par le passé ; et celui de trop restaurer, rajeunir, remplacer pierre par pierre, au point que la demeure et le monument n’aient plus rien de leur séculaire survie, ne soient plus qu’un simulacre, une copie trompeuse, le masque de cire, substitué, d’une momie, au lieu de son authentique visage, maquillé par les siècles.

Borluut, avant tout, se montra soucieux de conserver le plus possible.

C’est ainsi qu’il avait restauré, pour son début, la