Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pâtes coûteuses et fragiles : Sèvres et Saxe, où l’heure rit dans des fleurs ; des horloges mauresques, normandes ou flamandes, avec des armoires d’acajou ou de chêne, des sonneries sifflantes comme les merles, grinçantes comme des chaînes de puits. Ensuite des curiosités : les clepsydres maritimes dont les gouttes d’eau sont des secondes. Enfin toute la bimbeloterie des petites pendules de console, des montres d’apparat aussi délicates et aussi minutieuses que des bijoux.

Chaque fois qu’il avait fait un achat nouveau, il se hâtait de le ranger dans la vaste pièce du premier étage où était installée sa collection ; et la nouvelle venue, aussitôt, mêlait son bourdonnement d’abeille de métal à celui de toutes ses pareilles, en cette chambre mystérieuse comme la ruche de l’Heure.

Van Hulle était heureux. Il rêvait encore d’autres sortes d’horloges qu’il n’avait pas.

N’est-ce pas la fine volupté du collectionneur que son envie aille à l’infini, ne soit arrêtée par aucune limite, ignore toujours la possession totale qui déçoit par le fait même de sa plénitude ? Ô joie de pouvoir, à l’infini, reculer son désir. Van Hulle passait des journées entières dans son Musée d’horloges. Sa grande inquiétude c’était, lorsqu’il sortait, qu’on pût y pénétrer, sous un prétexte, déranger les poids, frôler les chaînes, briser une de ses acquisitions les plus rares.

Heureusement que sa fille Godelieve faisait bonne