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Van Hulle découvrit, imprévue épave, cette horloge flamande dont il eut envie aussitôt. Elle se composait d’une longue armoire de chêne aux panneaux sculptés, chaudement patinés par le temps, en glacis et en reflets, et d’un cadran de métal qui était merveilleux : étain et cuivre, ciselés avec imagination, avec délicatesse ; d’abord la date originelle : 1700 et, tout autour, une cosmographie folle où riait un soleil, où s’effilait en gondole un croissant de lune, où des étoiles paissaient avec de petites têtes d’agneaux, s’avançant vers les chiffres des heures, l’air de vouloir les brouter.

Cette antique horloge avait inauguré la manie de Van Hulle ; d’autres horloges et pendules suivirent…

Il en avait acquis dans des ventes, chez des antiquaires et des orfèvres. Sans le préméditer, c’est une vraie collection qu’il avait commencée et dont le souci grandit, l’accapara.

Il n’est d’homme véritablement heureux que l’homme qui a une idée fixe. Elle remplit ses minutes, comble les vides de sa pensée, faufile d’imprévu son ennui, oriente son désœuvrement, vivifie d’un courant brusque et incessant l’eau monotone de l’existence. Van Hulle avait trouvé ce moyen de passionner sa vie, mieux que par les conciliabules de naguère, les conspirations platoniques, tout ce vain entrain pour des revanches de la Flandre, mal définies et si lointaines.