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vieilles au costume fané, de jeunes qui étaient des novices et avaient remplacé quelque ancienne, tous les aspects d’une humanité cloîtrée qui demeure variable sous l’uniformité de la règle. Couvent de cloches, où la plupart, cependant, étaient celles encore de la fondation. C’est en 1743 que ce nouveau carillon de quarante-neuf cloches, remplaçant celui de 1299, avait été fondu par Jacques du Méry et installé dans le beffroi. Mais Borluut se prit à croire que plusieurs cloches originelles avaient survécu, s’étaient mêlées aux nouvelles. En tout cas, le même bronze avait dû servir pour la refonte, et ainsi c’était toujours le vieux métal du XIIIe siècle qui continuait son concert anonyme.

Borluut déjà se familiarisait. Il alla voir de près toutes ces bonnes cloches qui allaient vivre sous son obédience ; il voulut les connaître. Une à une, il les interrogea, les appela par leur nom, fut curieux de leur histoire. Le métal, parfois, avait des patines argentines, les marbrures d’un môle que la marée a battu, un tatouage compliqué, des rouilles de sang et des vert-de-gris comme d’une poussière de résédas. Parmi ces chimies savoureuses, Borluut, çà et là, reconnaissait une date, agrafée comme un bijou ; ou des inscriptions latines qui s’enroulaient ; des noms de parrains et de marraines qui avaient confié leur mémoire à la cloche nouveau-née.

Borluut allait, courait, attiré partout, dans l’émoi