Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long d’un escalier souterrain, dans une mine profonde, très loin du jour, parmi des paysages immobiles de houille, et qu’il allait aboutir à une eau…

Borluut, alors, s’arrêta, un peu interloqué par ces fantasmagories de l’obscurité. Mais son ascension sembla continuer. Malgré ses jambes au repos, on aurait dit que l’escalier ondulait, le portait plus loin, et que c’étaient les marches maintenant qui montaient une à une sous ses pieds.

D’abord nul bruit, sauf son propre écho de passant de la tour… À peine, parfois, le dépliement dans le vide d’une chauve-souris, que le pas insolite dérange, et qui frissonne dans ses ailes de velours mou. Mais, vite, tout redevenait muet, autant qu’une tour puisse être jamais muette, assoupir ce vague frémissement, cet éboulement d’on ne sait quoi dans le sablier de l’Éternité qu’elle est, où roule grain à grain la poussière des siècles.

Aux différents étages, Borluut rencontra des salles désertes, nues ; on aurait dit les greniers du silence.

Il montait toujours ; à présent l’escalier s’éclairait ; par des baies, les plates-formes crénelées, l’architecture ajourée, une lumière blanche et vierge arrivait, coulait sur les marches, déferlait en écumes, les soufrait d’un subit éclair.

Borluut se sentit une joie d’armistice, de convalescence, de liberté, après ces cachots et ces limbes. Il se retrouvait lui-même. Il avait cessé d’être identifié avec la nuit, incorporé par elle. Il se voyait