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l’Instinct qui fait hésiter le désespéré au bord du canal par l’aversion pour l’eau trop froide, et qui, ici, suggérait l’horreur des passages visqueux en route pour le festin du cadavre.

Borluut frémit. Il eut sa minute de défaillance, sa sueur d’agonie du jardin des Olives. Il s’arrêta, dans une grande angoisse. Mais l’escalier tournait rapidement, ne fit pas grâce, n’offrit aucun relais, et l’entraîna aussitôt dans ses spirales brèves. Borluut continua, toujours décidé, mais fléchissant dans sa chair. Encore un peu, il trébuchait. Malgré sa grande habitude des marches qu’il était arrivé à gravir presque machinalement, comme s’il cheminait de plain-pied, il dut s’aider du câble qui sert de rampe et pend autour du pilier de l’escalier, comme un serpent autour d’un arbre. Serpent de la Tentation ! La corde, en effet, le tentait de nouveau, en supposant qu’il eût hésité. Ne l’avait-il pas choisie pour l’instrument de sa mort ? Maintenant, repris à la corde, c’est comme s’il était repris à son idée, quittée un moment et vite ressaisie. Ses mains faiblirent, s’écartèrent… Elles repoussèrent l’affreux contact… Mais l’escalier se creusait en un tourbillon rapide ; l’ombre était dense. Il lui fallut quand même s’aider de la rampe. La corde réapparaissait, s’imposait…

Borluut se reconquit, monta vers l’accomplissement. Ce n’est plus la corde qui l’aidait, qui le me-