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aurait dit qu’elle voulait maintenant le lapider réellement avec des mots, après que la foule l’eût lapidé en effigie avec des pierres.

Joris gagna sa chambre. Partout, c’était le même aspect de désolation. Par chacune des fenêtres, des projectiles étaient entrés. Il songea à un spectacle analogue déjà contemplé, se rappela la pièce de l’ancienne querelle, la pièce dont Barbe, quand elle découvrit la trahison de Godelieve, brisa aussi la glace et les meubles, celle où on ne rentra plus et qui demeura en état, comme la chambre du mort… Toutes les pièces, aujourd’hui, étaient pareilles à celle-là. Le mal fut contagieux peut-être. Le mal de l’une appela le mal des autres. Voici qu’elles étaient, toutes, des chambres de morts. Elles étaient toutes mortes. La maison entière était morte.

Borluut aussi voulut mourir.

Il semblait qu’il eût reçu l’ordre des choses. Aussitôt il sentit qu’il était décidé, sans rémission.

La mort elle-même lui avait fait des signes, le relançait chez lui. Les pierres étaient venues à sa rencontre, les pierres homicides. La foule l’avait condamné à mort, enfin ! Il acquiesça, d’un cœur vaillant. Et sans nul délai, surtout ! Il était prêt, et se livrerait dès le lendemain, à l’aube. Il ne voulait plus revoir, dans la lumière du soleil, sa demeure profanée et comme en ruine, tous ses miroirs fendus, se redisant, d’une chambre à l’autre, le mauvais présage ; ni non plus retrouver Barbe, qui avait