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liénable asile. Plus que jamais, il fréquenta l’escalier en grisaille, la chambre de verre, les greniers du silence, les dortoirs des cloches, bonnes cloches jamais assoupies, sûres confidentes, amies consolatrices.

Seule, la cloche de Luxure, de nouveau, l’enfiévra. Il l’avait presque oubliée. Mais elle le guettait. Elle assaillit sa longue continence. Tentation des seins revus, dardant leurs pointes, toutes durcifiées dans le métal, comme d’un éternel désir ! Et celles des croupes aussi, nerveuses, arquées sous le baiser ! Toute la folie de la chair l’obséda. Il chercha dans le bronze l’orgie exacte, les détails. Il y prit part. Il vécut dans une débauche immobile. Il se rappela l’ancien émoi, quand la cloche obscène lui révéla son amour sensuel pour Barbe. Combien il avait rêvé de son corps, encore inconnu, en regardant sous la cloche comme il aurait regardé sous sa robe ! Cloche pleine de voluptés, qui était la robe de Barbe ! Il y brisa sa vie, à cette robe froide de Barbe, dure comme le bronze, et qui n’offrait aussi que l’apparence de la passion, un simulacre figé de plaisirs qui n’aboutissent pas. Ô maléfices de la cloche de Luxure ! Du moins, la seconde fois, Joris se méfia. Il en eut peur quand il aima Godelieve.

Même il défendit qu’elle en approchât, le jour où elle était montée avec lui dans la tour…

Maintenant qu’il était vacant d’amours, il appartint à toutes les femmes de la cloche. C’est à lui qu’elles