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des bâtisses neuves, la parodie du passé, un fac-similé des vieilles architectures, comme on en voit dans les reconstitutions archaïques, en béton et toiles peintes, des Expositions. Un goût de netteté et de propreté sévit. On voulut des briques bien roses et bien neuves, des châssis de chêne clair, des sculptures évidentes. Il ne fallait pas ces vagues visages — têtes d’ange, de moine, de démon — qui surnagent à peine, sont un peu rentrés dans les murs, au long des siècles ; il ne fallait pas davantage cette poussière noire, sévère patine, ou cette enluminure, faisandage des pierres. Les habitants se voulurent des demeures « vraiment remises à neuf ». Manie barbare, parallèle à celle de faire gratter, repeindre, revernir les vieux tableaux.

En même temps, des monuments curieux disparurent dont les propriétaires entendaient tirer meilleur parti ; des quartiers pittoresques furent modifiés. La face d’une ville change si vite ! On démolit, on reconstruisit ; on combla des cours d’eau ; on installa des tramways. Ah ! cette horreur du bruit, des sifflets, de la vapeur et des hoquets, défigurant tout à coup la noblesse du silence !

Unanime profanation ! Sauvagerie utilitaire du temps moderne ! Sans doute que, ici aussi, on allait créer des rues droites, des communications abrégées. Surtout si le projet du port de mer aboutissait, ce serait pire. Déjà, d’après le plan soumis, il était avéré que la Porte d’Ostende disparaîtrait, logis et tour si déco-