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pettes. Mais tout aussitôt parurent des anges, vision lénifiante, robes roses et bleues, ailes diaprées. Puis des fillettes, aux coiffures naïves, portant des cartels, des écriteaux, des attributs. Les scènes de l’Ancien Testament se succédèrent : l’offrande d’Abraham, Moïse dans le désert, les huit Prophètes, David et ses trois châtiments : la Guerre, la Peste, la Famine, suivis de son Repentir.

Les pénitents qui avaient assumé ces rôles s’en acquittaient avec conscience et ardeur. Ce n’étaient point des salariés, mais des confrères de la Sodalité, des hommes de foi et de zèle, qui, pour le pardon de leurs péchés et l’exaltation de l’Église, acceptaient d’être les comparants de la procession séculaire. Les costumes étaient barbares et bariolés. Des barbes postiches hérissaient les faces déjà enluminées et farouches à cause d’un grossier fard.

La grande originalité de cette procession de Furnes, c’est que les personnages ne se contentent pas de défiler, ils parlent. Il ne s’agit plus ici d’un cortège seulement costumé, de tableaux vivants, d’un Mystère silencieux. C’est l’authentique drame divin qui se joue, moins théâtral que véridique, toute une pantomime réaliste, une déclamation violente et sincère. Les prophètes passent et ils annoncent réellement l’avenir. Les anges ont de vraies voix insexuelles, qui appellent ou qui chantent, si irrésolues, ondulantes comme des banderoles.

L’illusion était complète.